Lettre d’amour de George Sand à Michel de Bourges

La baronne et écrivain Amantine Aurore Lucile Dupin de Francueil, dite George Sand, divorce de Casimir Dudevant grâce à son avocat Louis-Chrysostome Michel, dit Michel de Bourges, dont elle tombe grave amoureuse.

Elle lui écrit de longues lettres.

Extrait :

« Si je couvais d’autres amours, je n’aurais pas fait violence à ma fierté pour aller m’humilier dans les larmes devant toi.

Si je ne t’aimais plus, je n’aurais pas subi l’affront de reproches que je n’ai pas oubliés avec moi. Si je n’avais pas eu le cœur brisé, j’aurais su renfermer des pleurs qui n’avaient peut-être guère d’écho dans le tien et qui m’ont semblé ne te causer que de l’ennui.

Si j’avais pu t’oublier, je l’aurais fait, car l’amour que j’ai pour toi est un martyre et ne me causera jamais que trouble et douleur. S’il suffisait de se savoir aimée pour rendre la pareille et si avec la conviction d’être aimée fort peu, on acquérait tout d’un coup la force de se vaincre et d’oublier, il est certain que j’aimerais d’autres que toi, il est certain que je ne t’aimerais plus.

Ce n’est pas à cause de l’amour que tu as eu pour moi que je t’ai aimé. Combien d’autres en ont eu davantage qui ne m’ont pas fait seulement lever les yeux de dessus mes livres ! Ce n’est pas à cause des belles paroles que tu sais dire aux femmes, j’ai bien rencontré d’autres beaux parleurs qui n’ont pas seulement distrait mon oreille. Ce n’est pas parce que j’ai compté sur du bonheur ou sur de la gloire ou seulement sur de l’affection.

Je méprise les faux biens, et je savais en me donnant à toi que le torrent du monde nous séparerait toujours. Je savais que les ambitieux n’aiment qu’une heure par jour et que l’amour est un jour dans leur vie.

Je t’ai aimé parce que tu me plais, parce que nul autre ne peut me plaire. Je t’aime parce que quand je me représente la grandeur, la sagesse, la force et la beauté, c’est ton image qui se présente devant moi, parce que ton nom est le seul qui me fasse tressaillir et ton souvenir le seul qui ne s’efface pas comme une ombre de ma mémoire.

Et ce n’est pas que tu mérites cette adoration, tu ne vaux pas mieux que moi, si tu as des talents et des forces en plus, tu as en moins la sagesse et la philosophie. »

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